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lundi 25 février 2013

La thérapie du bien-être de G. Fava (2003)



Le psychiatre Giovanni Fava se bat depuis des années contre la sur-médicalisation en psychiatrie et la fausse route prise par les professionnels de la santé mentale qui se centrent seulement sur la réduction des symptômes de leurs patients.

Il défend notamment que la notion de bien-être soit incorporée dans la définition de guérison du DSM-IV (... en gros la bible de la psychiatrie). Et rappelle que la santé ne se réduit pas à l'absence de souffrance et de symptômes. En conséquence, son modèle de prise en charge thérapeutique ne consiste pas seulement à réduire le « négatif », mais aussi (et surtout) à cultiver le « positif ». Son approche thérapeutique (et de développement personnel) est basée sur le modèle multidimensionnel du Bien-Être (BE) de Ryff & Singer (1998). 

Le principe des interventions qu'il a imaginés est celui d'amener le patient vers un niveau d'épanouissement des six composantes de BE ci-dessous : 


Composantes
Niveau "Optimal"
Maîtrise de l'environnement
La personne a un sens de maîtrise et de compétence dans la gestion de son environnement; elle contrôle ses activités extérieures; sait saisir les opportunités; est capable de créer ou choisir des contextes adaptés à ses besoins et valeurs personnelles
Développement personnel
La personne a un sentiment de croissance personnelle ; est ouverte à des nouvelles expériences; a le sentiment de réaliser son propre potentiel; est conscient de son évolution dans le temps
Buts et sens de la vie
Le personne a des projets dans la vie et une orientation; elle sent qu'il y a une raison à sa vie présente et passée; elle nourrit des croyances qui donnent un sens à son existence
Autonomie et indépendance
La personne est auto-déterminée et indépendante; elle se sent capable de résister à des pressions sociales; régule son comportement; se compare à ses propres standards
Acceptation de soi
La personne a une attitude positive envers elle-même; elle accepte ses bons et mauvais côtés; accepte son passé
Relations positives à autrui
La personne entretient des relations chaleureuses et de confiance avec les autres; elle se sent concernée par le bien-être des autres; est capable d'empathie, d'affection et d'intimité

Pour cela le thérapeute doit proposer une prise en charge brève et individuelle aménagée sur 8 sessions de 30-50 minutes chacune. Les entretiens sont espacés d'une à deux semaines. Toutefois ce cadre peut être légèrement adapté selon les besoins et le degré d'adhésion du patient.

Le principe fondamental derrière la thérapie du BE (bien-être) de Fava est l'utilisation quotidienne d'un journal structuré où le patient doit noter des éléments relatifs à son vécu quotidien. Le thérapeute invite ainsi le patient à identifier dans un journal des épisodes de BE, à en rapporter les circonstances et à y attribuer une évaluation de 0-100 de l'intensité de BE ressentie. 

Cette prise de notes, ainsi que le dialogue avec le thérapeute sont supposés accroître la capacité d'auto-observation de l'individu relativement à son aptitude à ressentir des états de bien-être. Cette première prise de conscience serait le point de départ pour que le patient devienne acteur dans sa propre quête de mieux-être.

Lors des entretiens, Fava préconise que le thérapeute utilise des méthodes issues des courants cognitivo-comportementaux, telles que la restructuration cognitive (modification de pensées automatiques ou irrationnelles), la planification de tâches (prescription de moments de détente, exposition graduée à des nouvelles expériences), la résolution de problèmes ou encore l'affirmation de soi. Cependant, à l'inverse des techniques TCC (Ellis, Beck, ...), on amorce la réflexion à partir des situations de bien-être et non pas des situations de détresse psychologique.

Fava découpe son approche thérapeutique en trois stades différents, ayant chacun des buts et des formes d'accompagnement appropriés. 

Lors des sessions initiales, le défi premier, surtout pour des patients dépressifs, est celui d'être capable d'identifier des situations de BE. Le thérapeute se doit alors de renforcer la prise de conscience que ces moments existent même lorsqu'ils semblent difficiles à repérer. 

Dans un deuxième temps, une fois des moments de BE reconnus, le travail des sessions intermédiaires consiste à identifier, parmi les 6 domaines de Ryff, ceux qui sont affectés par des pensées irrationnelles/automatiques. Pour cela le patient est invité à inscrire dans son journal, non seulement les moments de BE ainsi que leur intensité, mais aussi les circonstances (pensées, croyances) qui ont amené à l'interruption de celui-ci. Pour le thérapeute il s'agit durant ce stade de faciliter la prise de conscience autour de ces pensées hostiles au sentiment de BE. C'est aussi à ce moment là que le thérapeute va chercher à renforcer ou prescrire des activités ou comportements susceptibles d'augmenter le BE du patient. 

Finalement, les dernières sessions sont consacrées à introduire progressivement, les 6 dimensions du BE de Ryff en fonction de ce qui est rapporté dans le journal. Il s'agit d'une approche "éducative", que l'on retrouve souvent dans les courants comportementalistes, dont le but est, en quelque sorte, de donner aux patients les clés qui lui permettront de prendre la relève et d'être autonomes à la fin de l'accompagnement.

Malgré le fait que l'approche de Fava comporte des aspects purement comportementaux, c'est surtout sur le versant cognitif que se centre sa Thérapie du BE. Les capacités d'auto-observation et de prise de conscience du patient, vont selon elle, déterminer fortement le rythme d'avancement ainsi que l'issue de la prise en charge. Fava envisage les changements de comportement comme étant plus souvent la conséquence (et l'aboutissement) de changements de schémas de représentation que l'inverse. Cette particularité suscite la question de la pertinence d'une telle prise en charge auprès de populations pour qui l'élaboration cognitive poserait difficulté.

Références bibliographiques ... pour aller plus loin:

Fava, G. (1999, July). Well-being therapy : Conceptual and technical issues. Psychotherapy and Psychosomatics, 68(4), 171-179

Fava, G.A., & Ruini C. (2003) Development and characteristics of a well-being enhancing psychotherapeutic strategy : Well-being therapy. Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry,34,45-63

Keyes, C., Shmotkin, D., & Ryff, C. (2002). Optimizing well-being : The empirical encounter of two traditions. Journal of Personality and Social Psychology, 82(6), 1007-1022 Ryff, C., & Singer, B. (1998, January). The Contours of Positive Human Health. Psychological Inquiry, 9(1), 1.


http://www.icpm.org/html/exec/fava.html