dimanche 25 avril 2021

La sagesse du "Ce n'est pas de ma faute": Retrouver la liberté au lieu de se coincer dans la culpabilité

Cet article est une traduction libre de http://blog.tarabrach.com/2017/08/the-wisdom-of-its-not-my-fault-finding.html

Son auteure est Tara BRACH, PhD en Psychologie.

Pour plus de conférences et de méditations guidées par Tara Brach, allez sur www.tarabrach.com


Two arrows

Parfois je pense que les vérités de base sont celles que nous oublions le plus facilement et une de ces vérités est la suivante: Si nous sommes retournés contre nous mêmes nous ne pouvons pas aimer cette vie. Se retourner contre soi nous contracte. Dans ces moments nous nous déconnectons de notre vie intérieure et de notre entourage. Nous traversons la journée avec l'idée de fond que "Je ne suis pas quelqu'un de bien", mais sommes inconscients du degré auquel cette pensée affecte notre capacité à nous détendre et à profiter des bons moments.

La seconde flèche


Dans les enseignements bouddhistes, le Bouddha décrit deux flèches. La première est l'expérience normale qui survient dans cette vie humaine qu'est la notre, par exemple: la peur, l'envie, l'agressivité, l'avidité. La deuxième est l'auto-aversion du fait de la première. Nous vivons l'expérience d'être méchant, égoïste ou avide et nous ne nous aimons pas pour cela: C'est la seconde flèche.
Bouddha dit: "La première flèche fait mal, pourquoi on se tire dessus avec la seconde?" Et pourtant, on le fait. Puis il poursuit: "Dans la vie, nous ne pouvons pas toujours contrôler la première flèche: toutefois la seconde c'est notre réaction à la première. La seconde est optionnelle." La première survient de causes et de conditions souvent au delà de notre contrôle. Mais si on apprend à lâcher le jugement et la culpabilité que nous vivons en réponse à la première flèche, la seconde devient complètement évitable.

Si on souhaite réellement amener compassion et bienveillance au regard que l'on porte sur la première flèche, nous devons d'abord comprendre que ce qui se passe à l'intérieur de nous est une partie naturelle du conditionnement à la survie. C'est inhérent à la vie humaine. Ce n'est effectivement pas de notre faute. Vous vous demandez peut-être: "Attendez! Si je suis persuadé que rien n'est de ma faute, où en est ma responsabilité?"


Causes et conditions: Des forces en dehors de notre contrôle


Les choses que nous haïssons le plus par rapport à nous mêmes sont façonnées par des facteurs innombrables. Elles sont conditionnées par les habitudes primitives de nos cerveaux et amplifiées par les tendances génétiques des générations qui nous ont précédées. A cela s'ajoutent les histoires et les mentalités de la culture qui nous entoure. Nous n'avons choisi rien de cela. Par exemple, la recherche trouve sans cesse de nouvelles preuves du poids de la génétique sur nos expériences. Cela va de notre "quotient de bonheur" au fait qu'on soit lève-tôt ou pas. D'autres conditionnements ont lieu au travers de nos expériences de vie, que nous ayons subi des traumas ou des abus, ou bien que nous ayons souffert de facteurs plus difficilement quantifiables comme le manque d'attention, de compréhension, d'affection ou d'harmonie dans notre enfance. Il est très intéressant d'observer que la façon dont on nous a traité est souvent internalisé et finit par devenir la façon dont on se traite soi-même.

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Il y a donc toutes ces forces en jeu, qui sont complètement en dehors de notre contrôle, mais nous les prenons pour nous, comme si nous en étions responsables. Il y a un endroit figé où notre cerveau primitif et nos réactions physiologiques - peur, agressivité, pulsions - deviennent ma peur, mon agressivité, mes pulsions. Plutôt que de les considérer comme étant des câblages universels dans notre système nerveux, nous avons ce sentiment que ce que nous sommes en train de ressentir est uniquement de notre ressort. Mais si au moment où ces émotions surgissent, nous arrivons à avoir, ne serait-ce qu'une lueur de compréhension que ces réactions font partie de notre conditionnement humain, ce décalage de perspective pourra alors créer la disposition, la flexibilité et la compassion qui donnent place à des guérisons très profondes.

La sagesse du "Ce n'est pas de ma faute"


Lorsque nous pouvons affirmer "Ce n'est pas de ma faute", au final, cela nous permet d'être encore plus en charge et de prendre notre responsabilité en main. C'est la culpabilité qui nous enferme dans des patterns de répétition. Réaliser que la première flèche n'est pas dans notre contrôle et ainsi relâcher toute culpabilité c'est favoriser l'état de conscience qui peut nous libérer de la douleur de la seconde flèche.

Essayez de ramener en tête une situation qui vous évoque de la culpabilité, ou un aspect de vous-même qui est difficile à accepter ou pour lequel vous n'arrivez pas tout à fait à vous pardonner. Un sujet dans lequel vous êtes coincé dans un état de rejet de vous-mêmes.

Maintenant essayez de poser une lueur de conscience dans le pincement, l'oppression autour du cœur que cette situation vous provoque à travers la question: Est-ce vraiment de ma faute? Essayez de percevoir s'il n'y a pas là en jeu des facteurs pour lesquels vous n'aviez pas signé : des peurs, des colères et des pulsions façonnées par la génétique, la culture ou vos expériences de vie. Puis essayez de voir si vous pouvez vous ouvrir à la possibilité que cette première flèche - ces pensées, sentiments et comportements déclenchés par des émotions - ne font pas seulement parti de votre héritage en tant qu'humain. Que vous n'avez pas choisi cela.

Lorsque nous ne sommes plus piégés dans la culpabilité, nous redevenons libres d'aimer cette vie. S'ouvrir à la possibilité du "Ce n'est pas de ma faute" ouvre l'espace à une réelle intimité avec notre monde et notre liberté intérieure profonde. Lorsque nos actions émergent de cette présence à cœur ouvert, elles amènent naturellement réparation et guérison autour de nous.

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Adapté de : Releasing Self-Blame: Pathways to a Forgiving Heart, conférence par Tara Brach le 13 avril 2016